vendredi 19 octobre 2012

Dents de la mer

ACCUEIL > NATURE & ENVIRONNEMENT > LE GRAND REQUIN BLANC RESTERA-T-IL UNE ESPÈCE PROTÉGÉE? Le grand requin blanc restera-t-il une espèce protégée? Créé le 19-07-2012 à 12h57 - Mis à jour le 02-08-2012 à 15h57Par Olivier Lascar Sciences et Avenir Le fameux Carcharodon Carcharias est-il en danger? Après une attaque mortelle survenue le 14 juillet en Australie, une déclaration du ministre de la Pêche de l’Etat d’Australie occidentale jette le trouble… Sciences et Avenir a recueilli la réaction du spécialiste des requins Bernard Séret (IRD). Mots-clés : Blanc, attaques, GRAND, requins, perth, squale PARTAGERRÉAGIR0Abonnez-vous à Sciences et avenir Le grand requin blanc restera-t-il une espèce protégée? Après une récente attaque en Australie, la déclaration du ministre de la Pêche jette le trouble. ATLAS PHOTOGRAPHY/SIPA Les surfeurs avaient remarqué depuis plusieurs jours la longue silhouette de l’animal qui furetait du côté de l’île de Wedge, dans la région de Perth, à l’ouest de l’Australie. Ils l’avaient même surnommé Brutus. Cela n’avait pas empêché ces amoureux des vagues de profiter de l’océan. Mais le samedi 14 juillet, Brutus a attaqué et tué un jeune homme de 24 ans. Le corps de Benjamin Linden n’a pas été retrouvé. Au lendemain de la mort du surfeur, plusieurs plages ont été fermées. L’émotion était palpable jusque dans la réaction de Norman Moore, le ministre de la Pêche de l’Etat d’Australie occidentale. « Nous consacrons 14 millions de dollars australiens (11,7 millions d’euros) pour mieux comprendre les requins blancs et les raison de ces attaques, a déclaré le ministre à la presse. Je me demande si ces recherches nous diront que le nombre de requins blancs a augmenté et alors nous devrons peut-être nous demander s’ils doivent rester une espèce protégée ». Sciences et Avenir: Bernard Seret, vous êtes biologiste marin et spécialiste des requins à l’IRD. Selon vous, la déclaration du ministre Australien augure-t-elle d’un changement de statut du grand requin blanc ? Bernard Seret: quand survient une attaque comme celle-là, c’est un choc terrible qui se ressent jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Je comprends la réflexion de Norman Moore mais je pense qu’elle est à mettre sur le compte de l’émotion. A mon sens elle n’annonce pas de changement dans le statut du grand requin blanc. C’est un animal protégé par la CITES – autrement dit la « Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction » qu’on appelle plus généralement « convention de Washington » (voir encadré). A cet égard, l’Australie – et l’Afrique du Sud – ont été à l’avant-garde du mouvement. Je les imagine difficilement revenir en arrière. L’Australie connaît-elle une «année noire» en terme d’attaques? Non. Cet accident est le cinquième dans la région depuis le début de l’année. Or la décennie "record" est celle des années 1940 avec 40 cas mortels, puis celle des années 1950 avec 20 cas mortels. Le nombre global d'attaques en Australie a augmenté dans les années 2000, mais le nombre de cas mortels est relativement stable, variant de 10 à 16 / décennies, depuis les années 1960… Par ailleurs la zone de Perth est connue pour être un lieu de passage des Grands Blancs. Leur présence là-bas n’est pas surprenante, c’est le contraire qui le serait ! Crédit: IMAGEBROKER/IMAGO/SIPA A l’échelle de la planète, y a-t-il une recrudescence des attaques de requin? Je n’utiliserais pas ce terme de « recrudescence ». Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il y a une légère augmentation de la moyenne annuelle des attaques. Pour la décennie1990, on a recensé 500 attaques soit 50 par an avec un taux de mortalité de 12%. Dans la décennie suivante, entre 2000 et 2010, le nombre global était de 650 soit 65 attaques par an avec un taux de mortalité en diminution: 8 %. Cette amélioration est due à une meilleure prévention et une meilleure organisation des secours aux victimes. A quoi cette légère augmentation du nombre d’attaques est-elle due ? Essentiellement à la popularité des sports et des activités nautiques. Le comportement des requins n’a pas changé. Celui des hommes, si : il y a de plus en plus de monde dans l’eau ! Mais n’y a-t-il pas d’explications nouvelles et concrètes aux attaques de requins ? Dans les récents cas de l’île de la Réunion, on avait évoqué le rôle des DCP (dispositif de concentration de poissons). Ces dispositifs ont pour objectif de fixer les bancs de thons, ainsi à la disposition des pêcheurs, mais attireraient du coup les requins… Cette hypothèse a effectivement été évoquée pour la Réunion : elle va sans doute être levée. Les requins attirés par les DCP ne semblent pas être de la même espèce que ceux incriminés dans les attaques. Alors non, il n’y a pas d’explication nouvelle. Pour en revenir à l’Australie, on disait que le Shark Feeding, cette activité touristique consistant à appâter les requins avec de la nourriture pour les attirer vers des cages où des bateaux, pouvait modifier le comportement des squales. Elle a été heureusement largement abandonnée. Pas de psychose, donc… Il faut se garder du syndrome «
» comme de tout angélisme. La bonne position est intermédiaire : n’importe qui ne fait pas n’importe quoi, avec les requins… Pensez qu’il y a des plongeurs extrêmement expérimentés qui sortent même des cages pour nager au contact des Grands Blancs. Mais ce sont des gens qui sont tous les jours dans l’eau, qui ne nagent qu’à proximité des femelles – elles sont moins agressives que les mâles – et savent détecter la moindre variation dans leur comportement… A peine s’ils ne les connaissent pas par leurs petits noms ! Encadré : Le grand requin blanc est inscrit en annexe 2 de la CITES: cela signifie qu'il faut un certificat CITES pour vendre tout ou partie d'un requin blanc, d'un pays à un autre. En revanche un requin blanc peut être vendu sans certificat CITES dans le pays où il a été capturé. A cela s'ajoute des réglementations nationales et régionales qui le protègent plus spécifiquement, par exemple sa capture est interdite dans les eaux communautaires de l'UE, et en Méditerranée, il est totalement protégé par la Convention de Barcelone.

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