samedi 22 juin 2013

le sud af







 Miki Dora, surfeur de légende, est décédé le 3 janvier 2002. Il aura passé une grande partie des trois années précédentes à Guéthary, un village et un spot qu’il avait découverts en 1970. Dans son nouveau livre, ‘Miki Dora, De Malibu à la Côte basque‘, Alain Gardinier retrace son parcours de surfeur d’exception et d’escroc notoire, entre quête de l’été sans fin et prison. Les extraits qui suivent racontent la fin de sa vie, quand il profite des derniers mois de son existence depuis sa base de Guethary.
Pour la première fois de sa vie, il ne possède plus ce corps athlétique qu’il avait entretenu des décennies durant. La barbe grise qu’il a laissé pousser depuis quelque temps l’a également vieilli. Devant l’état de son patient suite à l’opération, Alexandre Krassoulia le confie à l’hôpital de Bayonne, où un bilan général est effectué. Le médecin reçoit bientôt la réponse : cancer du pancréas qui s’étend.
Quand Miki est contacté pour se rendre à l’hôpital afin d’être personnellement tenu au courant sur son état, suite à la batterie d’examens qu’il a passés, c’est Dominique Taylor qui, une fois de plus, se charge de la basse besogne. Trudi Grace les accompagne. La sentence de la cancérologue qui supervisait l’examen, la même que celle fournie au docteur Krassoulia, est sans appel : cancer du pancréas transformé en cancer généralisé… C’est à Dominique que revient la tâche de lui traduire les paroles de la spécialiste.
Un moment vraiment pénible. L’oncologue, Madame Larregain-Fournier, lui proposa une chimiothérapie mais lui conseilla plutôt de laisser tomber, de profiter au mieux des six mois qu’il avait encore à vivre.
– Il a accepté la sentence?
– Il ne l’a tout simplement pas crue !
Il était bien entendu choqué, sachant de toute façon qu’il était malade, et nous avons tous pleuré. Harry lui a ensuite proposé un séjour en Indonésie, dans un établissement spécialisé à Bali, censé remettre en forme les malades comme lui. Ensuite, il se rendra à Bonn, en Allemagne, consulter un médecin que j’ai eu au téléphone à l’époque. Un vrai charlatan, complètement cinglé, qui lui a assuré qu’il était atteint par une maladie génétique bénigne. Miki lui a en plus laissé un paquet d’argent. Un avis confirmé par le docteur Krassoulia. Ce docteur allemand, auquel Miki m’avait signalé comme médecin traitant, m’appela un jour et sa première question fut : « combien gagne Monsieur Dora ?»
Entouré de Dominique Taylor, Harry Hodge, son voisin de palier Alan Tiegen, les McNeill, Phil Grace et Trudi, ainsi que par ses «fidèles» tels Philippe Lauga, Jean-Yves Robert, Jacky Dupin, François Lartigau et le photographe Eric Chauché, il va sortir de la période de choc qui va suivre et qui le laissera seul, dans son appartement, effondré. De plus, il en veut énormément à Phil Grace, qui a prévenu son père, à qui il voulait cacher sa maladie. Phil tentera de se justifier en lui demandant : «si c’était ton propre fils qui était malade, tu ne voudrais pas le savoir» ? Ils se réconcilieront deux semaines après.
Il tente la plupart des moyens alternatifs, qu’il utilisait déjà pour demeurer en forme : pilules anti-âge, vitamines, cette fois-ci par poignées, ainsi qu’un suivi par le docteur Krassoulia, qui, vu ses difficultés à ingérer, lui prescrit des soupes de légumes. Dora n’étant pas un fin cuisinier, c’est la femme du docteur qui les lui prépare, et il finit par aller, presque chaque soir, déguster les délicieuses soupes de Juliette avec les enfants du couple.
Le 11 août, à son retour d’Allemagne, Suzan McNeill, avec qui il aura vécu une liaison amoureuse, organise son anniversaire dans une cidrerie du village frontalier de Biriatou : une soirée qui lui laissera, ainsi qu’à tous les participants, un souvenir ému. De plus, il se remet à l’eau et, «réconciliés» après le petit intermède Peter Cole, je partage avec lui quelques très belles sessions à Parlementia, qu’il rejoint à pied depuis son appartement via le sentier de la baleine, le petit chemin bordé de tamaris qui descend jusqu’au «Maupiti» (aujourd’hui le «Kostaldea») le restaurant de bord de mer à Guéthary qu’on longe pour rejoindre le point de mise à l’eau.
Miki surprit tout le monde et se surprit lui-même en surfant début septembre des séries de plus de deux mètres sur son «gun» signé Bruce Jones, bleu marine et rails rouges. N’est-ce pas la preuve que les médecins lui mentent et qu’il n’a pas de cancer ?
D’ailleurs, la vie continue et il poursuit ses parties de tennis à midi après le surf, puis de golf en compagnie de ses partenaires habituels. Ainsi Philippe Lauga, à qui il demande un soir, alors que sa balle est un peu trop loin du trou pour être un «gimme» : «Is it a gimme* ?» (*contraction de give me ; coup donné à son adversaire en golf NDLR); et Lauga de lui répondre : « of course not » ; à quoi Dora rétorque avec son humour caustique : «but I’m a dying man!» (« mais je suis un mourant! »)
Quelques jours plus tard, il accepte de poser pour l’une des rarissimes séances photo (avec celle effectuée par l’américain Peter Gowland dans les années soixante) de son existence. Le photographe est Taki Bibelas, un jeune Grec qui a grandi au Canada et qui est devenu accroc au surf. Taki réside durant les vacances à Guéthary et partage avec nous le spot de Parlementia. Après avoir été rapidement présenté à Dora par Laurent Miramon, Taki, qui dîne au restaurant Le Madrid à Guéthary, tombe sur lui. Il porte ce soir-là un T-shirt ramené de Cuba, et Dora engage la conversation : justement, Cuba, il en revient, il est un fan de salsa. Et que fait Taki dans la vie ? Quand ce dernier répond «photographe», la mine de Dora s’assombrit et il lui demande pourquoi il n’a pas d’appareil photo avec lui. Bibelas répond qu’il ne prend de photos que des gens qui le payent. Voilà une réponse qui plaît à l’américain ! Taki, comme Bob Simpson, Rabbit, Christophe Sadettan et sa femme, devra visionner les heures de films de danse salsa capturées sur la télé cubaine !
Le photographe proposera ensuite à Miki une série de portraits pour Vogue Hommes International et, à sa grande surprise, ce dernier accepte. Il ne désire plus de films sur sa vie, surtout pas un documentaire de surf, fait à la va-vite, mais ces photos seront un genre de testament, qui plus est dans un beau magazine, et qui ne parle pas de surf. Vivra-t-il de toute façon assez longtemps pour visionner ce fameux film, s’il se fait un jour? Peu de chances. Par contre, il pourra voir le résultat de cette séance photo. Quelques jours avant le journée de prises de vues, Dora appelle Taki : Vogue accepterait de les envoyer au Sri Lanka pour shooter les photos ? Comme le fera remarquer le photographe plus tard : « aucune chance : il ne m’ont même pas payé les pellicules!! « .
Phil Jarratt le retrouve un soir au bar Basque, au centre de Guéthary et à quelques dizaines de mètres de la petite maison où ils ont chacun un appartement. Dora et Taki Bibelas sont en train de finaliser le deal pour Vogue Hommes. L’Australien est quand même surpris : un magazine de mode ! Miki !
– Il m’a dit qu’il voulait vraiment le faire et je l’ai cru. Il était devenu très différent de l’homme qui passait la majeure partie de son temps à éviter les objectifs et à refuser de signer de son nom. Miki semblait heureux et tranquille, mais il perdait beaucoup de poids et avait des difficultés à monter les escaliers. Il m’a dit «Dead Man Walking!» (l’homme mort avance!), a toussé et s’est marré.
Un journaliste du magazine, l’anglais Prosper Keating, arrive de Paris, la veille de la prise de vues, pour l’interview. Le trio dîne au Madrid à Guéthary et les deux semblent s’entendre. Keating est un baroudeur, ancien membre de l’armée anglaise en Irlande durant la guerre civile. Taki enverra ensuite les tirages sélectionnés à Montecito, où Miki réside chez son père, et c’est Miklos Dora senior qui rappellera le photographe, pour lui dire que son fils aime les photos et donne son accord pour publication. L’article, titré « Le Roi De Malibu » paraîtra dans le « supplément sport » de Vogue Hommes « printemps-été 2002 », avec un portrait réalisé par Taki ainsi que des photos «vintage» de la collection de Leroy Grannis, le grand photographe surf de l’époque.
Fin octobre, en fin d’après-midi, Miki arrive chez moi alors que je travaille en bas, dans le studio vidéo. Fatigué, il est venu me dire au revoir, avant de s’envoler pour les États-Unis, d’où il sait au fond de lui-même, même si Dominique Taylor chez Quiksilver lui a acheté un aller-retour, qu’il ne reviendra pas. Il me fit comprendre au fil de notre discussion que finalement, il pense être atteint d’un cancer. Il me parla d’un médecin californien qui était censé le traiter avec des rayons.
Il faisait un temps de début d’automne, et on monta sur ma terrasse pour discuter un peu. On reparla de Titouan Lamazou et il me demanda s’il avait sorti un autre livre. Je vérifiai sur Internet et oui : il venait de publier « Titouan Au Congo ». Je lui proposai d’aller le feuilleter. Nous partîmes avec ma voiture au magasin Virgin de Bayonne, où le livre figurait en bonne place. Miki s’installa sur le petit canapé d’angle installé près du desk des libraires et se plongea dans la lecture de l’ouvrage. Après trois quarts d’heure que je passai au rayon disques du premier étage, je le retrouvai toujours captivé par l’univers de Titouan. En partant, j’achetai le livre et le lui offrit. Je le ramenai sur le parking devant chez moi et ne le revit jamais plus. Frances, une «vieille» amie native de Santa Monica, le véhiculera jusqu’à l’aéroport de Biarritz-Parme, son dernier voyage.
Extraits du nouveau livre d’Alain Gardinier à découvrir ici: http://www.atlantica.fr/livre/11356
Il fut l’un des meilleurs surfeurs de tous les temps, le héros de l’Amérique dorée des années 60. Tournant le dos au surf business et à la normalité, ayant décidé une fois pour toutes de ne jamais accepter le « système » et ses compromissions, Miklos Dora alias « Da Cat » va s’embarquer pour une vie en marge de la société, faite de petites arnaques et de grands voyages. Rattrapé par la justice lors d’un de ses longs séjours sur la Côte basque, celui que l’on surnomme ’le Kerouac en short’ connaîtra la prison, sans jamais perdre son statut de légende, sans renier sa quête de la vague parfaite et de l’été sans fin. Aujourd’hui plus que jamais, Miklos ’Miki’ Dora fascine toute une génération qui n’a jamais connu de véritable rebelle.
L’ayant côtoyé pendant des années sur la Côte basque et dans son fief de Malibu, Alain Gardinier livre sa vision, ainsi que celle de ses amis les plus proches, de Da Cat.
 

A propos de l'auteur : 

Surf Prevention est le site Internet sur le Surf, la Santé et l'Environnement.

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