Les professionnels du surf ne profitent que très peu des retombées de la discipline qui attire pourtant un grand nombre de pratiquants (Photos : Ludovic Laï-Yu).
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Favori Commenter FacebookGoogleLiveMySpaceTwitterWikioLe nombre de pratiquants explose mais les entreprises locales n’en bénéficient pas ou peu. Paradoxal monde de la glisse dont la flambée des années 90 n’est plus désormais qu’un lointain souvenir. Concurrence internationale, marché parallèle, manque de volonté politique, le surf business ne décolle pas. Explications.
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Introduit à la Réunion à la fin des années 60 par des touristes australiens, le surf n’a connu de véritable essor sur l’île qu’à la fin des années 80 pour devenir un phénomène de mode quelques années plus tard à la fin de la décennie 90. Depuis, le nombre de pratiquants ne cesse d’augmenter. Difficile à évaluer d’ailleurs puisque l’immense majorité des amateurs de vagues ne sont répertoriés nulle part. On estime à moins de 10% le nombre de pratiquants licenciés dans la poignée de clubs locaux. Seule la fréquentation des “spots” donne donc un aperçu de la cohue. “Sûrement plus de 5 000 surfeurs réguliers”, avancent certains professionnels du secteur. Soit au moins 5 fois plus qu’il y a 10 ans.
Un engouement sans précédent donc mais dont ces professionnels justement ne bénéficient pas ou peu. Car l’économie du surf, le surf business, stagne à la Réunion depuis quelques années. L’embellie des années 90 est désormais bien loin et ne s’est d’ailleurs produite que parce qu’il n’existait rien avant ou presque. Quelques surfshop sont donc toujours ouverts, à Saint-Gilles pour la plupart mais aussi à Saint-Pierre et à l’Etang-Salé. Peu néanmoins et les temps semblent particulièrement difficiles. Le magasin à consonance polynésienne qui venait d’ouvrir à la Saline n’a pas tenu plus de trois mois.
Même le textile stagne
Même la folie du surfwear n’exalte plus les importateurs et revendeurs de tee-shirt ou de shorts. Distributeur de la marque emblématique Quicksilver, Jean-Bernard Phaure estime à seulement 20% la progression de ses importations depuis 5 ans. C’est peu comparé aux taux de croissance annuels à deux chiffres qu’ont connu ces secteurs par le passé. Son homologue de Billabong (n°1 mondial en 2008) n’est pas plus enthousiaste. Pas de chiffre mais une formule lapidaire : “Ce sont pas des affaires qui vous enrichissent”. Idem pour les shapers, les fabricants de planches, dont l’un des pionniers, Thierry Dellbourg, a d’ailleurs fermé son atelier récemment. Le Saint-Leusien Mickey Rat, l’ancien, n’est désormais concurrencé que par Olivier Théraube, le patron de Choka et par quelques marques moins connues comme Iluka, Primate ou Karv. Quelles sont donc les raisons de ce coup de frein ? Les analyses des professionnels convergent pour la plupart.
La concurrence des marchés parallèles
Premier handicap : la concurrence internationale. Avec Maurice d’abord qui truste le marché du textile surf dans la zone. Moitié moins cher il y a encore trois ans et encore 25 à 30 % en deçà des prix réunionnais aujourd’hui. Fabrice Caillé en est certain. “Mon homologue importateur de Billabong vient d’y ouvrir un neuvième magasin. Il réalise un chiffre d’affaires équivalent à celui de Durban, la capitale du surf en Afrique du Sud”. Maurice n’est pas une destination surf mais profite à plein des touristes réunionnais pour écouler son surfwear à prix cassés. Avec l’Afrique du Sud ensuite où le surf business s’est industrialisé. À volumes importants, mécanisation de la production, réduction des coûts et tarifs sans comparaison. Si l’on ajoute des matières premières moins chères, le résultat est là : une planche de surf se vend là-bas pour le prix coûtant d’ici. Le surfeur voyageur en profite donc pour s’y fournir régulièrement et son entourage par la même occasion. “Il y a des gens qui n’hésitent pas à ramener une dizaine de planches pour les ramener ici et les revendre”, explique le patron de Choka. Un véritable marché parallèle alimenté aussi depuis la Thaïlande où des planches s’achètent à 90 dollars US. Un modèle équivalent produit sur l’île ne se trouve pas à moins de 400 ou 500 euros.
Deuxième frein au développement : l’absence de tourisme surf. De taille limitée, le marché local n’est en effet pas alimenté par une clientèle extérieure comme celle dont peuvent bénéficier en métropole les côtes landaise et basque. Ici pas ou très peu de touristes spécifiquement venus pour la pratique des sports de glisse. Pourtant avec 300 jours de vagues par an, une telle diversité de spots et une température de l’eau qui ne descend pas en dessous des 25°, le petit Hawaii européen devrait attirer tous les fans de glisse de la planète.
Or, ce surnom couramment entendu n’est absolument pas fondé. “Trop cher”, répondent d’abord en chœur les professionnels locaux. Transport, hôtellerie, alimentation, la Réunion ne peut pas concurrencer des destinations comme Bali ou l’Afrique du sud. “Les Australiens par exemple sont déjà venus. Mais s’ils prévoient de rester trois semaines, ils partent à la fin de la première parce que la vie coûte trop cher”, explique Cyril Thévenau, patron de l’école Ipomoea et pionnier parmi les pionniers. Sans compter que la Réunion n’est que trop peu promotionnée comme une destination surf. Île intense oui, machine à vagues, rarement.
L’arrêt des compétitions internationales en 2005 a également porté un coup. Là encore “trop chères” estiment les uns, “mal organisées” assurent les autres. Et pourtant, tous admettent que la venue des meilleurs surfeurs de la planète soutenait l’activité. “Ça profiterait à tout le monde”, explique encore Cyril Thévenau. “Des événements comme ça, c’est 10 fois mieux que n’importe quoi d’autre en terme d’image”, appuie Jean-Bernard Phaure. Il semble également que ces “world tour” soient mal acceptés sur les vagues. Un localisme qui, associé au danger requin, contribue à ternir la réputation de l’île, indéniablement.
Les entreprises du surf business réunionnais sont donc contraintes de s’adapter (voir par ailleurs). Et toutes ne perdent pas l’espoir de développer le secteur dans les années à venir. Beaucoup misent notamment sur les retombées d’une génération dorée, celle des Jérémy Florès, Maxime Huscenot et autres Amaury Lavernhe, de jeunes surfeurs réunionnais qui enchaînent ces derniers mois les victoires sur le circuit mondial. Jean-Bernard Phaure notamment y croit fermement. “Avec des jeunes comme ça, ce n’est pas possible que l’avenir ne soit pas meilleur”
Textes : Romain Latournerie
Chiffre d’affaires mondial : 12 milliards en 2008
En légère baisse de 2% en 2008, le marché mondial des sports de glisse se chiffrait à près de 40 milliards d’euros dont plus de 21 milliards sur le continent nord-américain. Stable comparé à 2007, le surf business à lui seul, c’est-à-dire hors sports d’hiver, s’élevait à 12,2 milliards. Ces chiffres sont publiés par l’observatoire économique de l’EuroSima, un groupement d’acteurs privés et publics fondé en France pour assurer la promotion et le développement des sports de glisse.
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